Existe-t-il une seule réalité ou autant de perceptions de la réalité ?
Nos automatismes cognitifs nous facilitent la vie au quotidien. Ils nous permettent de décider vite, de manière inconsciente en réduisant au maximum la consommation de temps et d’énergie. « Je ne réfléchis pas en arrivant au feu rouge, je freine pour stopper mon véhicule sans même avoir l’impression de prendre une décision. »
Et en même temps, nos perceptions sensorielles et nos capacités d’attention nous trompent en permanence, sous l’influence de nos filtres individuels et socio-culturels. Ces automatismes créent en effet des distorsions ou biais cognitifs qui nuisent à une pensée rationnelle. Ils travestissent notre vision des faits sans que nous en ayons conscience. Petit exemple de biais de confirmation : lors du 1er confinement au printemps 2020, chacun pariait sur la suite selon ses propres envies et convictions : « Rien ne changera, tout redeviendra comme avant » ou au contraire « Après ça, rien ne sera plus comme avant, chacun va devenir éco-responsable …».
Chacun a sa propre manière de voir le monde et confond sa perception de la réalité et la réalité. Il en résulte autant de bulles de réalité proches ou radicalement différentes ! Cela complique considérablement les interactions avec les autres : ceux qui ne pensent pas comme soi, qui ne voient pas la même réalité et qui donc ont tort !
« Chacun a raison de son propre point de vue mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort »
Gandhi
Prendre conscience de ses propres biais cognitifs, c’est comprendre quelles que soient ses compétences et son expérience, que ses décisions ne sont pas forcément pertinentes. C’est choisir de multiplier le nombre de regards pour élargir sa vision de la problématique.
Il n’est pas très confortable de confronter sa vision à celle de personnes qui pensent différemment. Pourtant c’est là qu’est la clé, car c’est la diversité qui permet ce regard à 360°.
- Qui n’a pas expérimenté l’effet de cour, lors d’une réunion où tous « se rangent » à l’avis du chef pour valider une décision déjà implicitement prise avant même le début de la réunion ?
- Qui n’a pas renoncé à donner un avis contraire à celui de la majorité ?
- Qui a osé le faire en se promettant de ne jamais recommencer ?
Solliciter l’avis des minoritaires est pourtant essentiel. C’est se donner une chance de regarder le sujet sous plusieurs angles. C’est potentiellement l’occasion de détecter un piège, d’identifier une voie différente ou d’envisager une solution nouvelle ! Cela implique bien sûr de comprendre l’intérêt pour soi d’apprendre des autres et de ne pas réduire son identité à ses pensées.
Dans une organisation verticale et silotée, les problèmes à résoudre sont de plus en plus nombreux et interdépendants. Ils créent des goulots d’étranglement. Les décisions sont prises par des personnes souvent éloignées du terrain ou de la zone de création de valeur. Quelles que soient leurs compétences, les informations sur lesquelles elles s’appuient, sont insuffisantes et teintées de leurs biais cognitifs. Les délais de prise de décision sont trop longs. Il en résulte souvent décalage de perception, incompréhension, renforcement des silos et désengagement des équipes.
Dès lors, le défi majeur pour l’entreprise est double :
- Détecter le maximum de signaux faibles qu’il s’agisse d’évolutions dans l’environnement, chez les différentes parties prenantes de l’entreprise, ou au sein de l’organisation elle-même.
- Donner aux acteurs concernés le pouvoir d’agir, de décider dans leur zone de contrôle, de co-construire entre parties prenantes pour prendre en compte les interdépendances.
A la clé : réactivité, satisfaction client (externe ou interne) et engagement. Chacun aura pris de la hauteur pour regarder la situation. Le collectif aura élargi son regard, intégré les contraintes et les besoins des toutes les parties prenantes et imaginé des solutions à la fois plus performantes et plus engageantes. Les acteurs auront appris à collaborer durablement par les liens qu’ils auront noués entre eux car l’intelligence rationnelle d’un groupe dépend en grande partie de l’intelligence émotionnel du groupe.
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