« Ah si seulement mon équipe était plus autonome ! Je n’en peux plus de devoir tout gérer moi-même ! « 

« Si mes collaborateurs étaient force de proposition ! S’ils faisaient preuve d’initiative pour résoudre les problèmes au quotidien ! SOYEZ AUTONOMES, bon sang ! »

« Et si seulement ils proposaient des solutions cohérentes selon mes critères ! J’ai besoin que le résultat soit rapide et parfait, bref comme si je l’avais fait moi-même ! »

Bienvenue au pays des injonctions paradoxales !

Quel manager n’a pas vécu ce genre de situation ? Focalisé sur sa quête de perfection et de respect du timing …. Cette injonction d’efficacité, de performance à tout crin ….

Le manager, omniscient et omnipotent doit être au courant de tout, et savoir parer à toute défaillance. Il définit les règles, les modifie, trouve des solutions aux problèmes  …. Débordé, il attend que ses collaborateurs fassent preuve d’initiative et soient force de proposition comme lui ou elle ….. ce qui ne fonctionne pas toujours ! Il/elle insiste, l’équipe résiste inconsciemment. Ne parvenant pas à ses fins, il/elle insiste un peu plus, générant un peu plus de résistance ….

“Toujours un peu plus de la même chose conduit à toujours plus du même résultat”  et finalement “la solution devient le problème » (Ecole de Palo Alto).

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Une équipe, comme tout système, cherche avant tout à maintenir l’équilibre en place.

Elle combat tout ce qui est perçu comme une menace.

Si elle n’est pas associée à son propre changement, alors elle résiste pour maintenir le statu quo.

People pulling opposite ends of rope flat vector illustration. Tug of war contest between office workers. Competition challenge and confrontation concept

Faire un pas de côté pour porter un regard différent sur sa pratique de dirigeant et/ou de manager permet d’en prendre conscience et de faire évoluer sa posture et ses pratiques.

Chez Bee’Onde, chacun de nous a vécu ce type de situation, au cours de son expérience managériale et opérationnelle. C’est pourquoi nous vous proposons de partager nos découvertes. Parce que le sujet est vaste, nous choisissons de le faire en plusieurs volets.

1 – Pourquoi s’interroger aujourd’hui sur l’autonomie et la responsabilisation ?

Au temps de Taylor et de Ford, l’organisation scientifique du travail centralisait la prise de décision au niveau du bureau des méthodes. Cela permettait d’optimiser le temps de traitement en limitant les interactions entre les individus.

Les limites du management « Commande et Contrôle » sont aujourd’hui bien supérieures aux bénéfices.

En effet, les organisations pyramidales ne sont plus en capacité de répondre efficacement et rapidement aux besoins des clients.
Face à l’accélération des changements, elles ont besoin – aussi bien au niveau des services experts qu’au niveau des managers – de déléguer une partie du pouvoir au terrain, pour plus de réactivité et d’agilité.

Dans son livre « Les employés d’abord, les clients ensuite », Vineet Nayar, Dirigeant de HCLT en explique la raison :

« les managers senior, situés confortablement loin de la réalité et de la zone de création de valeur, sont ceux qui peuvent prendre une décision « main de dieu » laquelle met souvent en danger ce qui se passe dans la zone de création de valeur. »

En matière de performance opérationnelle, face à la complexité et l’incertitude de l’environnement des entreprises, croiser les regards permet de déjouer nos biais cognitifs et d’élargir le champs des solutions donc d’optimiser la prise de décision. *

A défaut, la corrélation est directe entre le désengagement des salariés et la moindre performance de l’entreprise :
● Face aux aléas et imprévus du quotidien, les collaborateurs ne disposent pas de la marge de manœuvre nécessaire pour ajuster la procédure à la situation réelle du travail. L’attente d’une solution venue d’en haut, souvent tardive, voire non pertinente, a un impact direct sur leur niveau de stress et leur santé.
● Lorsque les collaborateurs ne sont pas associés au changement qui les concernent directement, ils résistent pour maintenir le statu quo. Ce faisant, ils bloquent tout ou partie des projets de transformation dans un monde qui change en permanence.
● Le manager à qui on demande d’être omniscient et omnipotent, est en surchauffe, ce qui n’est finalement bon ni pour lui, ni pour l’organisation.

Selon une enquête réalisée fin 2021 auprès de managers et dirigeants sur le courage en entreprise *, « Le courage, c’est d’abord pour les dirigeants, oser dire, persévérer et donner de l’autonomie.» Cela n’est pourtant pas si évident sur le terrain. L’étude souligne que « la génération des 50 et +, aux commandes des entreprises, a grandi à une époque où, en lieu et place de l’autonomie et la confiance, c’était plutôt des vertus comme la loyauté, la fidélité, la qualité d’exécution qui étaient recherchées. » – les Entretiens de Valpré en novembre 2021, par Kea & Partners, – novembre 2021

Soulignons que le niveau d’innovation des entreprises est directement impacté par son mode de management. 
● D’un côté les jeunes talents les plus créatifs cherchent des environnements tournés vers davantage d’autonomie et de collaboratif.
● D’un autre côté, les entreprises les plus innovantes offrent un environnement stimulant l’intelligence collective, et invitent leurs collaborateurs à l’expérimentation assortie du droit à l’erreur.

2 – L’Autonomie indissociable de la Responsabilité, en route vers la subsidiarité ….

Etymologiquement, l’autonomie vient du grec auton (soi-même) et nomos (la loi, la règle, l’organisation) : il s’agit de déterminer soi-même ses propres règles.

Bertrand Ballarin, ex-Directeur des relations sociales et de la responsabilisation du groupe Michelin, apporte un éclairage essentiel : « Responsabiliser, c’est conférer un certain pouvoir d’action (le droit de décider par soi-même) et allouer des ressources dont l’utilisation responsable sera laissée libre, mais c’est aussi savoir exiger des comptes sur les décisions prises et leurs conséquences. Gardons-nous des dérives qui consisteraient : 
Soit à imposer une obligation de rendre des comptes sans donner de véritables moyens d’agir, ce qui génèrerait de la frustration,
Soit, au contraire, à accorder ceux-ci sans mettre en place des dispositifs obligeant de rendre compte, ce qui génèrerait des irresponsables. »

La subsidiarité consiste à redistribuer le pouvoir de prendre des décisions à l’endroit où se mène l’action. Dans ce mode de fonctionnement, telle l’armée de réserve ou subsidium, les niveaux supérieurs et les services experts viennent en soutien à ceux qui font. Ils ne sont plus demandeurs ou prescripteurs. Elle part du principe que ceux qui font le travail sont assez intelligents pour prendre des décisions assez fines. Lorsqu’ils n’y parviennent pas, alors ils demandent de l’aide.

3– Pourquoi est-ce si difficile ?

Les blocages et difficultés sont souvent liées à la peur. Cette émotion nous alerte face à un risque de danger réel ou simplement perçu comme tel, notre cerveau ne fait pas la différence.
● La peur du manager des risques d’une erreur de décision : un niveau insuffisant de qualité ou de performance, un délai dépassé, une perte de temps dommageable à d’autres activités …. Ou encore la peur de perdre une partie de son pouvoir ….
● Et en miroir, la peur du collaborateur de se tromper, du regard de son responsable ou de ses pairs sur son manque de compétences.

Cette peur dans une réaction instinctive de sauvegarde, paralyse souvent notre action.

« L’échec nous fait mal car il vient fissurer notre carapace identitaire, notre image sociale, l’idée que nous nous faisons de nous-même. » – Charles Pépin, philosophe

La dévalorisation de l’échec dans notre société, conduit chacun à choisir de ne pas prendre de risque, à ne pas oser « tenter » pour éviter toute possibilité d’échouer.

Reconnaître la peur comme une émotion normale et pouvoir en parler librement semble donc essentiel, comme une 1ere étape indispensable pour pouvoir la surmonter en travaillant ensemble. Inscrire le droit à l’expérimentation au cœur de la culture de l’entreprise permet à chacun de pouvoir tester, avec le corollaire qui lui est associé, le droit de se tromper, condition sine qua non pour pouvoir apprendre de ses erreurs.

La logique est exactement la même dans le cadre d’une relation transversale entre un service expert et un service opérationnel, comme l’illustre l’exemple suivant :

Une entreprise de négoce a un très grand nombre de clients, le montant moyen par vente est assez faible. Le service trésorerie est responsable de vérifier le bon encaissement de toutes les factures. Cette équipe se charge aussi de traiter les demandes de remboursement des clients. Cela engendre du retard dans la réponse au client au vu de la taille de l’équipe, de ses différentes tâches et du goulot d’étranglement à ce niveau. Il s’ensuit des tensions entre service client et service comptabilité, chacun regardant la situation avec son propre cadre de référence :
Le service client reçoit les doléances du client. Il souhaite le satisfaire. Peu conscient des contraintes comptables, il a peur de perdre le client et réclame le droit d’effectuer lui-même ces remboursements.
Le service trésorerie, par peur de désorganiser la comptabilité, ne peut pas envisager de déléguer cette mission à ses collègues. Il n’a pas conscience de la réactivité nécessaire pour satisfaire le client.

Dans le prochain article, nous nous interrogerons sur l’autonomie dans la relation à l’autre ou à l’équipe.

* Pour aller plus loin sur ce point,   https://bee-onde.com/le-management-collaboratif-pourquoi-faire/

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